Le Bondy cécifoot club est un jeune club. Son engagement est exemplaire, et abouti, naturel. Comme si cela faisait des années et des années qu’il existait. Le club est omniprésent sur les réseaux, sa communication est régulière. De nombreuses initiatives sont lancées, mises en avant. Les jeunes de la ville sont instruits, les enfants atteints de déficience visuelle ainsi que leurs parents sont initiés. Tout est fait pour accroître la visibilité, véhiculer une image positive du cécifoot.

Pourtant, connaissez-vous le Bondy cécifoot club ? Que vous évoquait le cécifoot ? Contrairement aux associations locales, les grands médias peinent encore à mettre la lumière sur le handisport. Nous nous sommes entretenus avec Jean-François Chevalier, Président du club, à propos de cette médiatisation.

Pour commencer, pouvez-vous vous présenter et raconter votre découverte du cécifoot ?

Le Bondy cécifoot club est né il y a 3 ans, statutairement. C’est l’histoire de deux copains, Samir Gassama, ancien joueur de haut niveau et entraîneur de Futsal et de cécifoot et moi-même. À l’origine, Samir m’a fait découvrir un monde que je ne connaissais pas, celui des déficients visuels. J’avais un regard sur le handicap un peu tronqué. Aller à leur rencontre, leur parler dans la rue me faisait peur, approcher le handicap faisait peur. Un jour il m’a dit « viens voir un match ». J’y ai rencontré non pas des personnes porteuses de handicap mais des athlètes.

En 2017, l’équipe de France de cécifoot, dirigée par Samir GASSAMA, doit réaliser son dernier stage pour le championnat d’Europe à Berlin. Mais au dernier moment, joueurs et staff se retrouvent sans structure pour préparer cette échéance capitale. Sans hésiter,  je sollicite la maire de l’époque Sylvine THOMASSIN qui répond sans hésiter favorablement à ma requête. L’équipe de France s’installe à Bondy pour son stage de préparation.

Durant 3 jours, les enfants de la ville peuvent échanger avec les joueurs et découvrir le cécifoot ou approfondir leurs connaissances sur cette discipline. À la suite de cette rencontre, nous avons décidé de créer le Bondy Cécifoot club. C’était un pari, une façon de changer le regard sur le handicap, le début d’une aventure humaine où chacun pouvait y trouver sa place.

Naturellement, le message envoyé par les joueurs est très rassurant pour les parents d’enfants.

Cette aventure a débuté par une section non-voyants (B1), puis avec la section malvoyants (B2/B3). Faire découvrir le handisport aux amis, aux collègues, ça développe les idées. Alors nous avons ouvert une équipe futsal valide féminin. Puis une section masculine. Un succès puisque 25 filles ont rejoint l’équipe. Le sport valide se place au service du handisport, parce que sur le terrain il n’y a pas de handicap, ce sont des sportifs avant tout. 

Le dernier projet est de créer une académie pour les jeunes enfants déficients visuels. Le cécifoot permet aux enfants de développer leur sens et leur autonomie. Se passer de l’utilisation de la canne, mieux appréhender l’espace, la façon de se déplacer, autant de vertus du cécifoot. Sur le terrain, ils développent cette prise de l’espace et une certaine sécurité. Nous avons cette volonté de pouvoir aider ces jeunes.

Quand je vous dit Bondy cécifoot club, vous retenez Bondy.

Jean-François Chevalier

Samir m’expliquait un jour ce que le cécifoot avait apporté à l’un ses jeunes joueurs. La mère d’un joueur était très protectrice, l’emmenait à chaque entraînement et ne voulait pas le laisser prendre les transports seul. Samir lui demande de lui faire confiance, “vous verrez que votre fils prendra les transports tout seul. » Elle a accepté et nous a finalement remercié chaleureusement.

Il y a quelques mois nous avions accueilli un joueur qui avait eu un accident de la route. En redécouvrant le football, ses émotions transparaissaient et il nous a dit « punaise, qu’est-ce que ça fait du bien d’être sur un terrain, sans avoir besoin de quelqu’un pour l’aider à se déplacer. »

La médiatisation du cécifoot est faible. Ce week-end, l’équipe de France a remporté les championnats d’Europe dans le plus grand anonymat. Comment faites-vous pour promouvoir la pratique ?

Beaucoup de communication. Sur toutes les actions que nous faisons. Récemment nous avons accueilli des enfants déficients visuels. Nous essayons de changer le regard sur le handicap en allant vers les institutions, les collectivités et les entreprises. Naturellement les réseaux sociaux nous aident. Il faut convaincre et pousser les portes. Comment peut-on faire ça ? Emmener les gens sur le terrain. Voir un match, participer à un match, c’est prendre conscience. Exemple tout simple, on a accueilli de jeunes enfants de huit ans déficients visuels. Rien que de voir leur envie, leur sourire et l’effet miroir sur les parents, ça voulait tout dire. Notre crédo, venez voir, venez partager, venez constater. Le public était bluffé et excité de les voir jouer.

Parfois, la vérité c’est que ça ne nous intéresse pas. On a la chance d’être en bonne santé alors on n’accordera pas cinq minutes à ces athlètes. Tant qu’il ne nous est rien arrivé, que tout va bien, ce n’est pas une préoccupation.

Où en est le développement du cécifoot à heure qu’il est ?

L’investissement des clubs et des bénévoles est indispensable. C’est fabuleux de voir autant de générosité dans les clubs. La France compte environ 11 clubs et pourtant c’est encore un sport très méconnu. Le handisport est le cécifoot en particulier est sous-médiatisé. Je ne le vous cache pas, je rêve que les gros médias puissent interviewer les joueurs, les dirigeants de clubs.

Je serais curieux de connaître le rythme d’entraînement des dix nations de cécifoot. En France, je pense qu’il faudrait  plus de structures adaptées afin que nos les athlètes puissent s’entraîner plus régulièrement. Demain nous jouons la phase finale du championnat de France …mais finalement quel média national viendra médiatiser l’événement ? C’est un sport olympique, avec des joueurs de l’équipe de France, et une nouvelle fois aujourd’hui championne d’Europe. Plus tôt dans le mois se jouait la finale de Coupe de France des non-voyants et malvoyants. J’ai écrit, sollicité, embêté les médias. Sans aucune réponse. Il n’y avait aucun média. C’est le cas avec le handisport en général.

Le mot inclusif… ça fait bien. C’est le rôle des acteurs locaux de changer les mentalités. En 2024, toute la France sera heureuse j’imagine de célébrer nos champions. Autant y participer dès maintenant. Il y a un avant, un pendant et un après ! Nous voulons donner la chance à ces jeunes, la chance de faire du sport. Vous savez, on m’a déjà demandé pourquoi je m’engageais auprès des déficients visuels. « Pourquoi ? Vous êtes handicapé ? Porteur d’un handicap ? » Nous n’avons pas besoin d’être handicapés pour s’y intéresser.

A LIRE – Développer le cécifoot, un enjeu à la fois sportif et social. Posez votre main sur notre avant-bras et laissez-vous guider le long des métamorphoses nouvelles auxquelles est sujet le cécifoot.

Les moyens financiers sont loin d’être à la hauteur de ceux du football valide. Comment fonctionne le travail avec les marques ? Qu’en est-il de la professionnalisation ?

Certains clubs de Ligue 1 ont commencé à rattaché leur section cécifoot. Aujourd’hui les joueurs de cécifoot ne sont pas rémunérés. Je vous parlais de l’après. C’est notre rôle de pousser les portes, de trouver des partenaires, de faire progresser le cécifoot. Pour cela, il faut les moyens adaptés. Les éducateurs doivent recevoir une formation, étoffer leur expérience. Ces éducateurs, il faut payer, les rémunérer.

L’inclusion, c’est porteur de manière générale. Les marques, les sponsors sont tous dans l’inclusion. Malheureusement, le Covid a fait du mal aux entreprises. Et ils sont tellement sollicités par différentes associations. Pour moi, il ne s’agit pas de convaincre. Ce n’est pas le mot. D’ailleurs, je vais au-delà du mot “sponsor”. Il y a forcément la marque mais c’est avant tout un partenariat, un lien, une volonté d’aller sur du long terme. Le sponsoring est forcément un soutien financier car on ne peut pas se développer seuls, ni compter uniquement sur les pouvoirs publics, les communes, le département, la région. Et ça ne se limite pas au financier.

La mission des clubs, c’est aussi trouver des jobs à nos jeunes. On est toujours dans cette démarche de contact avec les marques. On se retrouve à se retrousser les manches pour trouver des partenaires, se lever à 5h30 du matin pour contacter des entreprises. Je ne peux pas dire que c’est facile, loin de là. Quoiqu’on entende, même si on parle beaucoup d’inclusion, encore peu d’entreprise intègrent des jeunes déficients visuels dans leur équipe. Il faut trouver des moyens de s’adapter, d’offrir un poste. C’est difficile de leur donner n’importe quel job, les entreprises doivent être très structurées.

Les Jeux Paralympiques 2024 de Paris représentent une échéance pour l’environnement handisport. Comment voyez-vous évoluer la pratique dans les années à venir ?

Nous nous sommes fixés nos objectifs pour les JO : trois joueurs du club sont internationaux. Nous voulons qu’ils représentent la France aux JO, et pour cela on continuera à les entraîner et  les accompagner. Un athlète vit les JO comme une finalité, une consécration, et nous voulons les y emmener. Nous voulons aussi faire découvrir aux enfants. Ce n’est pas une histoire d’un jour.

Pour les années futures, tout dépendra des clubs et de leur engagement. Pour moi la suite s’annonce positive. Les bienfaits des Jeux vont forcément faire du bien au handisport en général et donc au cécifoot. Seulement il faut qu’on aide les clubs.. Il faut qu’on aille chercher les ressources, commencer à tisser un lien avec les grands sportifs professionnels valides. Ils devraient nous donner un coup de main. Chacun œuvre pour ses associations, ils sont engagés pour certains. Aujourd’hui je verrai bien des joueurs pros le faire. Si un Zidane se déplace, ce n’est pas un média local mais tous les médias français qui se déplacent  ! Ensemble on voit toujours plus loin !

Merci à Jean-François Chevalier pour le temps accordé !


Alexandre Bonnot

Fier représentant du grand Olympique de Marseille. Je mouille ma plume avec mes larmes... Je sillonne les matches de district le dimanche midi histoire de faire passer le temps.

2 commentaires

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