Accompagner les clubs de football souhaitant rendre leur(s) activité(s) plus verte(s), en tout cas qui ont destiné de ne pas faire de l’environnement une terre brulée. C’est l’objectif de l’association française Fair Play for Planet, en partenariat avec l’ADEME. Lancée par Julien Pierre, ancien rugbyman professionnel, et Jean-Paul Lalanne, l’association a déjà travaillé avec le RC Strasbourg ou l’Olympique Lyonnais. Rencontre.

“Il y a une vraie prise de conscience écologique dans le football” : entretien avec Jean-Paul Lalanne, membre de Fair Play for Planet

Comment êtes vous arrivés chez Fair Play For Planet ?

Je suis un ancien rugbyman, qui n’a pas percé comme Julien Pierre mais on est rentré en même temps au centre de formation de La Rochelle, en 1999. On a eu une forte amitié et nous avons souvent échangés sur des sujets environnementaux, sur la responsabilité individuelle, sur l’image que renvoyait le sportif…à la fin de sa carrière on a réfléchi à un projet qui mêlait sport et environnement, ce qui a débouché sur Fair Play for Planet.

Y a t il eu un moment déclic qui a amené à cette prise de conscience écologique ?

Je travaillais dans le BTP, notamment la revalorisation des déchets donc je connaissais les enjeux, et quand ces cinq dernières années on a parlé de ce sujet plus sérieusement, on s’est dit “mais qu’est ce qu’on peut faire ?”. On voyait que le sport se bougeait mais pas assez.

Le monde du football a-t-il conscience du défi environnemental auquel il fait et va faire face ?

Le foot est une activité comme une autre et vit dans le même monde que nous, il n’est ni en avance, ni en retard. Il génère une immense activité et donc un impact carbone très important, mais de part son image, un immense vecteur positif. Il doit être un levier à travers ses joueurs, supporters, sponsors pour lutter contre le réchauffement climatique…un exemple avec l’histoire de la bouteille d’eau de Cristiano Ronaldo en conférence de presse, un tout petit geste a fait un buzz terrible, en tout cas plus que beaucoup d’ONG dans le monde entier.

Cela voudrait dire que les footballeurs, notamment professionnels, ont un devoir d’image plus verte à renvoyer ?

Ils se doivent d’être un exemple dans tout, le fair-play dans le sport mais aussi dans leurs engagements environnementaux. Ils ont une grosse image auprès des jeunes et doivent, au même titre que tous les autres sujets sociétaux, être leaders.

Pourtant, les projets démentiels à l’impact carbone terrifiant pullulent encore et menacent l’environnement…

Il y a des choses qui se font mais les réactions montrent qu’il y a une vraie prise de conscience. Par exemple l’Olympique Lyonnais possède un stade qui est très vertueux, très bien pensé et qui répond à tous les enjeux environnementaux. Il faut une activité, on ne peut pas la réduire à rien, mais si on peut l’optimiser et faire du mieux que l’on peut, c’est ça qu’il faut viser. Nous avons labélisé l’Olympique Lyonnais, notamment parce que leur stade est bien conçu, pour la récupération de l’eau, pour les transports collectifs, pour les déchets, c’est un bel outil, et aujourd’hui les clubs se dotent de ces outils. Tout va dans ce sens.

Notation de l’audit de l’Olympique Lyonnais, réalisé par Fair-play for planet. Crédit : FPFP

Green Forest Rovers, un modèle à suivre dans la lutte pour l’environnement ?

C’est un des premiers que l’on a été voir, on les a rencontré, on s’est inspiré d’eux. C’est un exemple parfait, mais on se demande pas à chaque club français d’en arriver la. Il faudrait chambouler l’économie d’un stade, la ville. Là-bas, tout a été construit autour du club. Les nôtres doivent s’en approcher le plus possible, faire du mieux possible avec ce qu’ils ont déjà. Les Green Forest Rovers sont un exemple presque parfait.

En parlant de transport, le PSG avait buzzé il y a quelques temps après la polémique concernant son voyage Paris-Lille en jet…

L’impact des clubs passe surtout par son transport, c’est son stade, c’est l’accueil du public dans son stade. Si on doit agir aujourd’hui, c’est sur les transports. C’est encourager les transports collectifs, le covoiturage, les mobilités douces, ou avoir des voitures électriques, c’est un premier geste. On peut éviter de voyager en avion surtout sur les petites distances et aider ses supporters dans l’utilisation du covoiturage. Dans le stade il faut supprimer le plastique afin de faciliter le traitement des déchets, l’alimentation est aussi à revoir. Les produits doivent être locaux, utiliser des produits de saison, il y a plein de choses à faire dans un stade. Au sein même du club il faut aussi penser à des éléments bio. Transports, déchets et alimentation sont les trois leviers où l’on peut agir dans un club de sport.

Qu’est ce qui pourrait être fait par un club pour être plus respectueux de l’environnement ?

Moi je l’explique pas mais les clubs nous disent que les joueurs ont besoin de repos, de concentration. Si on met Kylian Mbappé dans un train, on peut comprendre qu’il y aurait quelques difficultés, mais il n’empêche qu’on devrait tenter de prendre des transports moins impactant. Il est évident qu’un trajet Paris-Lille ne doit pas se faire en avion. En train, on pourrait imaginer avoir un accès sécurisé à quelques wagons, et l’impact environnemental serait bien moindre. Économiquement, il faut que le club s’en sorte, la SNCF aussi. Il faudrait aussi recalculer l’impact d’un train avec 20 personnes à bord, mais il y a des solutions autres que l’avion pour faire 200 kilomètres

Vous avez établi une longue charte écologique, y’a-t-il des points sur lesquels les clubs peuvent davantage appuyer ?

Tout est important, chaque petit geste peut compter, mais effectivement il y a des points plus impactants que d’autres, comme les transports qui reviennent à chaque fois (90% des émissions de CO2 d’un français vient des transports). Cette charte a été conçue en partenariat avec l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). Elle nous a transmis les objectifs importants à atteindre.

Programme de dix actions pour rendre le sport plus durable. Crédit : FPFP

Comment Fair Play For Planet accompagne les clubs dans cette quête de “verdure”, dans leurs démarches pour protéger l’environnement ?

On a créé un label basé sur un référentiel qu’on a nous même créé. Il répertorie 350 questions sur 17 thèmes différents. Les clubs remplissent ce référentiel en répondant à ces questions, nous on les analyse et on visite sur site avec toutes les parties prenantes (clubs, sponsors, collectivités etc.). On vérifie la véracité des dires et des lieux, donc stade, centre de formation. En fonction de la note que les clubs ont obtenu, on décerne ou pas le label selon trois niveaux. Ensuite on les accompagne pendant deux ans pour mettre en place des plans d’action afin de devenir plus vertueux.

Les clubs ne sont pas réticents, ils sont convaincus qu’ils doivent faire quelque chose. Économiquement, certains clubs font aussi faire des économies, parce qu’il y en a à faire sur le plan environnemental. L’environnement n’est pas forcément quelque chose qui coûte cher. Éteindre les loges quand il n’y a pas de match, ça fait faire des économies et en plus c’est bon pour la planète. Les clubs ne sont pas difficiles à convaincre mais ils ont besoin d’être accompagnés, parce que pour eux c’est un peu nouveau, ce sont des questions auxquelles ils ne faisaient pas face, ils n’en sont pas experts.

À quoi sert ce label ?

Deux choses : premièrement, pendant deux ans on accompagne les clubs. On noue des contacts avec eux, on les mets en relation avec des solutions écologiques (entreprises, prestataires, associations…) qui veulent aider et mettre en place des choses et qui ont besoind es clubs pour les mettre en évidence, et les clubs ont besoin de ces entreprises pour trouver des solutions. On est en lien avec des entreprises qui posent des panneaux solaires avec des clubs qui veulent équiper leurs parkings de panneaux solaires. Ce n’est pas forcément des relations qu’ils ont habituellement, et ensuite on leur permet de communiquer sur ce qu’ils font déjà, parce que oui les clubs font déjà plein de choses. À leur échelle certes, mais ils ne communiquaient pas forcément la dessus, peut être par peur de le dire.

On entend souvent le terme d’écologie punitive, notamment au niveau politique : peut-on dire qu’il s’applique aussi aux clubs de football dans leur quête de protection de l’environnement ?

Je ne vois pas ça comme étant punitif, je trouve le mot trop fort. L’écologie ce n’est pas se restreindre, c’est faire mieux. On peut faire autant mais mieux, même parfois plus, en faisant aussi des économies. Par exemple, le gaspillage de l’alimentation, le gaspillage ce n’est pas mieux on est d’accord, ce n’est pas parce qu’on gaspille plus qu’on fait mieux, en faisant l’inverse ça nous coutera moins cher et on fera mieux. C’est pas du tout punitif, utiliser des produits de saison ce n’est pas punitif, c’est mieux utiliser ce qu’on a à disposition.

Votre but est-il d’accompagner un maximum de clubs de Ligue 1 dans leur transition en faveur de l’environnement ?

On espère que chaque club apportera sa pierre à l’édifice dans la lutte contre le réchauffement climatique. Si tous les clubs en ont envie, on pourra partager les mêmes pratiques, si les clubs en faisaient tous ne serait-ce qu’un petit peu ça serait déjà très bien. L’Olympique Lyonnais, le RC Strasbourg, le Havre ou Toulouse sont bien placés : le but n’est pas d’avoir tous les clubs de football professionnel, mais plus on en aura, mieux on pourra travailler ensemble, et défendre notre cause.

Quels contacts entretenez-vous avec les clubs ?

On a des contacts avec des clubs professionnels mais aussi amateurs. Au niveau budgétaire, ce sont plutôt les pros qui entament tout de suite les démarches, c’est plus facile pour eux. Mais on a aussi labellisé un tout petit club des Sables-d’Olonne, le TVEC85, en Régional, qui à son échelle faisait énormément de choses. Eux, ils ont tout compris et sont convaincus par la cause, et c’est super. On est en contact avec les villes, les fédés, pour eux aussi les convaincre de mettre en place des démarches dans leurs clubs, on essaye de toucher les sportifs un petit peu partout. Quelque soit la porte où rentrer on tente, notre but c’est d’aider les sportifs à faire mieux et progresser.

Est-ce plus compliqué pour les amateurs de se labelliser ?

Effectivement, ils ont peut être moins de budgets mais ils ont aussi des solutions, et peut être que ces labels vont leur amener des sponsors qu’ils n’avaient pas, parce qu’ils vont se montrer dans leur région, leur impact territorial. Ils vont être moteurs par rapport aux autres clubs et cela va intéresser certains sponsors qui vont venir vers eux. Le coût du label n’est pas exorbitant, il est accessible à tous les clubs, et donc il y a des choses à mettre en place. Dans d’autres sports des clubs sont venus directement à nous, et vont être labellisés.

Y’a-t-il d’autres moyens de labellisation pour les amateurs ? Eux n’ont pas de problèmes d’avion…

Eux aussi peuvent agir sur les transports et transportent leurs joueurs aux matchs; aux entrainements, ils ont des supporters qui viennent les voir, à une échelle moindre certes, mais les clubs amateurs ont aussi besoin de modifier leur façon de faire : faire du covoiturage entre les joueurs, train à la place du bus, venir à vélo pour les plus jeunes. Les amateurs n’ont pas le même impact que les pros, mais ils planchent sur les mêmes sujets : le stade, les déchets, les transports, l’alimentation.


Maximilien Regnier

Ici c'est Maximilien, 19 ans, sur la voie du journalisme depuis plusieurs années maintenant. Supporter de l'Olympique de Marseille la plupart du temps, mais préfère souvent voir son propre groupe U11 évoluer sur un rectangle vert. J'écris peu, mais je tâche de faire le reste pour Fausse Touche.

2 commentaires

"L'écologie n'est pas un obstacle au sportif" : rencontre avec Hervé Betou, Vice-Président du TVEC 85 - Fausse Touche · 08/09/2022 à 23:31

[…] ça serait bien de faire un état des lieux, d’où la mise en relation avec Julien Pierre de Fair Play for Planet, avec qui on a eu des échanges. FPFP a réalisé un audit chez nous avec leur cahier de plus de […]

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